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Commande de la centrale de Civaux

 

Joël Picq

plasticien

Suite à une visite du C.N.P.E. de Civaux, Bruno Breitwieser fut impressionné par l'architecture des aéroréfrigérants en pénétrant dans ceux-ci ; volumes aux lignes courbes très pures.

L'artiste sut très vite que son intervention sur le site de Civaux allait être dictée par cette sensation forte générée par le lieu. L'interrogation fut de trouver un espace où l'artiste allait pouvoir cristalliser son projet.

S'est imposé le vide central de l'escalier hélicoïdal du bâtiment administratif. Sorte de puits de lumière de forme cylindrique rappelant l'implantation au sol des aéroréfrigérants, mais aussi la résonnance avec l'oeuvre de Bruno Breitwieser où le cercle est un signe graphique récurrent dans son travail personnel.

Le geste premier et décisif de l'artiste fut pictural dans la manière d'apposer la peinture très liquide sur un support papier, disposé à la verticale de façon à susciter la coulure. Renouvelant ainsi l'opération pour chaque couleur, ce travail en phase ultime fut achevé par l'inscription graphique d'un quart de cercle.

Dans cet état de peinture se dégage une extrême fluidité des fonds, où l'élément eau est très présent, pour aboutir à son évaporation, car soumis au réchauffement. L'inscription graphique du quart de cercle sur chaque tableau se lit comme une section rabattue des aéroréfrigérants, d'où une double lecture de ce travail. Dans un premier temps, celle d'un projet décliné sous la forme d'un plan d'architecture déployé dans l'espace, avec l'idée du multiple car l'opération est renouvelée en huit exemplaires ; dans un second temps, le traitement spécifique de chaque fonds, dû à l'état liquide du médium génère une mouvance, activant notre regard à passer d'une peinture à l'autre, ainsi nous immergés dans le mouvement intérieur de l'oeuvre et donc de son processus.

L'installation finale, par son mode d'accrochage/présentation, fut de rester fidèle au contenu artistique énoncé ci-dessus ; ainsi, Bruno Breitwieser en vint à centrer son travail dans le vide cylindrique de l'escalier et à le positionner selon la verticalité. Les tableaux ont été mis dos à dos, puis enchâssés dans les cadres en métal et par la juxtaposition de ceux-ci, traduisant une épaisseur, il en résulte une forte tension formelle due à une présence massive de chacun des éléments, accentuant ainsi l'immatérialité du travail pictural. Enfin, chaque élément/ peinture est clos par une paroi en verre, renforçant le côté aérien de l'oeuvre. Dans le sens de la verticale, tendus entre plafond et sol, ont été fixés deux filins d'acier, de façon à étayer les quatre éléments placés à espaces réguliers à la manière d'un trait en pointillé. De la sorte, nous sommes confrontés à un travail "in situ", ancré d'une manière très forte, passant par la mesure d'une hauteur d'un espace précis.

A la base de l'installation ont été déposées quatre photos, disposées dans le sens de l'horizontale et enchâssées dans un bardage en acier. L'image/lumière reconstitue un cercle fragmenté, souligné par l'éclairage d'un néon blanc.

Ces photos ont été réalisées dans l'axe central d'un aéroréfrigérant avec l'appareil photographique orienté en contre- plongée dans une totale verticalité. Elles témoignent par leur qualité plastique d'une forte lumière et/ou d'une onde lumineuse, traduites par des contours plus ou moins définis, suggérant ainsi une vibration.

L'installation de Bruno Breitwieser par un phénomène de glissement nous met en présence d'un volume en plan, générant une problématique sculpturale, liée à sa pesanteur, à sa physicalité ; l'ensemble rythmé par des pleins et des vides ménagés sur toute la hauteur. Ainsi, par son déplacement, le visiteur en empruntant l'escalier est invité à parcourir le dispositif vertical de l'installation dans un double mouvement qu'est : l'ascendant/descendant.

 
 
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