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Catalogue - Espace Lhomond

Jean François keller

chargé de mission du Musée de l'Impression sur Etoffes de la ville de Mulhouse

 

Bruno Breitwieser est un artiste qui va au delà des apparences.

Ses installations éclairent la vie et le temps qui passe.

Derrière les images, derrière les objets, il y a une double vérité : celle qui lie la vie à la mort et la mort à la vie. Le questionnement de notre devenir est omniprésent chez Bruno Breitwieser. Les choses changent, évoluent, se transforment, ne sont pas ce qu'elles paraissent.

Derrière l'image première il y a une autre réalité. Le compte-gouttes nous amène à la maladie, le tronc coupé à la fin de vie, mais la musique qui soutient l'oeuvre à l'espérance.

La bouche et l'oreille ne sont au départ que des morceaux de chair indistincts. Leurs poésie et réalité ne se livrent à nous qu'au fur et à mesure, avec l'apparition lente du texte.

L'oeuvre de Bruno Breitwieser nous oblige à regarder autrement, avec patience, un quotidien qui va au-delà du moment premier. Face à l'évidence, s'interroger, chercher le devenir.

Ainsi, "Comme une apparition" nous implique dans une réalité qui n'est que peut-être. Il n'y a pas de certitudes, mais des instants fugaces. "Ainsi tout change, ainsi tout passe" (Lamartine).

Des émotions d'un instant qui conduisent à d'autres instants d'émotion. Car ne nous trompons pas, l'oeuvre de Bruno Breitwieser est hautement optimiste dans la mesure où elle nous ouvre les portes de possibles innombrables où la vie victorieuse mène la danse.

 
 
 
 

A travers l'image

Kathy Alliou

Inspecteur à la délégation aux arts plastiques du ministère de la Culture et de la Communication

 

Qui regarde les bouches connaît la "sensation du paradoxe" décrite par Georges didi Huberman; l'image, qui se donne dans une immédiateté, n'en paraît pas moins énigmatique tandis que le texte, limpide, est "le résultat d'un long détour", fruit de la pensée par l'abri des mots. Lors du premier regard posé sur ces bouches, le sentiment de trouble est plus grand encore, car à l'absence des mots -avant leur apparition- s'ajoute une douce étrangeté de l'image : sa ligne d'horizon est verticale, voilà tout.

La pulpe est à peine rebondie. Mais ce relief certain désigne les parties les plus voluptueuses du corps. Légèrement closes, les lèvres ne sont pas l'endroit de la béance et du vide qui happe. Plutôt l'expression d'une plénitude des sens, de la quiétude qui annonce l'échappée d'une pensée ou du souffle de la vie, la manifestation de soi depuis les origines. Quand les temps de l'image et du texte se rejoignent enfin, la chair fait corps avec l'esprit comme un fragment indissociable du tout. Les bouches racontent aussi l'histoire du franchissement de la surface des choses vers la découverte d'une dimension cachée, un au-delà du miroir. Qui n'en scrute pas la surface n'accédera pas à sa pénétrante profondeur.

 
 
 
 

Quand l’arbre boit la goutte…

Michel Trougnou

 

Pourquoi perfuser l’arbre mort qu’on avait coupé, si ce n’est pour révéler toute la vie qu’il a abritée et qui, partie de son cœur, l’a habité, dilaté, habillé ? Dans la confusion entre ce qui relève de l’homme (ou de ses artifices) et de la nature (ou de ses ressources), sève descendante et sève ascendante, brute ou élaborée, eaux de vie, liqueurs nourricières, semblent prêtes à s’y répandre pour circuler à nouveau… Et à l’étêtement qui a brisé l’élan de l’arbre répond l’entêtement à ranimer quelque chose de ce qui n’est plus. Insistante instillation. Projet de résurgence.

Renouvellement qui s’il intrigue ou peut-être épouvante (le goutte-à-goutte renvoyant à la détresse humaine), apaise et rassure aussi. Comme une vision d’espoir qui s’accroche à rien, comme un reste de vie ne tenant qu’à un fil. Comme un appel à préserver ou à revivifier ce qui, tenace et cyclique, est toujours, malgré tout, sous la menace.

 
 
 

Oriflammes !

Pour apporcher le mystère, on peut s'arrêter à l'examen quasi médica de coupes qui peut-être ont à nous apprendre sur la vie de tel arbre ou de tel autre (tous ressemblants, mais pas interchangeables) et qui donnent à voir d'un seul regard les années qui ont passé pour les sculpter, les façonner... Le détail agrandi de ce qui d'ordinaire échappe (même si chacun de nous a déjà joué, le nez sur un rondin, à compter les cercles de la cible) nous fascine et nous interroge, comme une biographie succinte qui dit tout l'essentiel d'une personne, sans pour autant aider à percer son secret...

Chaque empreinte de ces vies résumées, ramassées, inquiète comme le tourbillon d'un vertige. On y flairerait presque un piège ensorcelant. On aurait tort !

Car devant nous la forêt, fièrement, a hissé ses couleurs, emblèmes et blasons, armoiries et devises... Elle retrouve un élan vertical qui l'exalte, en même temps qu'elle s'étoile, rayonnante, et que ses trésors étincellent avec douceur, comme autant de monnaies et d'antiques médailles.

Force fragile, vigueur exigeante et têtue qui nous fait signe.

Etendards arborés, gestes de ralliement.

 
 
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