Retour à la page : Textes des catalogues

Expo BW, agent très spécial

Claudine Trougnou

Directrice régionale adjointe des affaires culturelles de Poitou- Charentes

 

Prêtons-nous au jeu des correspondances, tendons l’oreille aux échos des mondes parallèles et laissons-nous guider dans ce périple par un homme serein, apaisé, maître du champ de ses sentiments.

Bruno Breitwieser a du bleu, du vague à l’âme. Il déroule sous nos pas sa carte du tendre. Perceptions et émotions se répondent dans ses paysages immobiles. Terre et océane destinée s’entremêlent en boucles d’or, solaires ; l’arbre cache encore la forêt.

Sa comédie humaine, c’est d’abord le cruel damier d’un jeu de mots et d’absences affrontées. C’est aussi la douceur lénifiante de la toile bayadère d’une plage paisible, en lisière de ciel, la trame étale d’un plat pays qui défile, les lignes vertes d’un humus fragile, pourtant porteur d’une arborescence sonore et lumineuse.

Comme un passeur entre les mondes, pénitent voyageur, Bruno Breitwieser habille nos objets familiers, nos paysages quotidiens, agrestes et urbains, nos imaginaires communs, d’une lumière diaphane, d’un nimbe opalescent, d’un souffle musical étrange…

Foulons cette terre travaillée au corps, respirons cet air ouaté d’esprits vagabonds, fuguons sur la portée des saisons.

Alors le souvenir du temps qui passe réconforte nos âmes, assagit nos corps, ouvre nos cœurs à ce jeu subtil de l’amour et du hasard : la vie.

 
 
 
 

Au delà du miroir, rien n'est figé

Elodie Enard

 

Dans les installations de Bruno Breitwieser coexistent différentes formes d’expression artistique de l’idée. L’image (photo / vidéo), le son, le texte et même la mise en espace ne sont pas au service de l’œuvre, car ils sont l’œuvre même. Ils forment un système dans lequel chacun des éléments dialogue avec les autres pour faire sens.

Il s’agit d’une démarche singulière qui permet aux œuvres d’exister dans la réciprocité entre elles-mêmes – et donc l’artiste – et le public. Les thèmes abordés reflètent le parcours d’une réflexion accompagnant le plasticien dès l’origine ; la notion d’écoulement du temps – de mémoire, de traces – en est un des fils conducteurs. Les relations entre l’homme et la nature, ou encore les rapports humains, et notamment les violences infligées au corps, sont également au cœur de son travail. Les installations les plus récentes prennent une dimension particulière où la diversité des médias et des supports choisis accentue leur caractère énigmatique, leur profondeur.

Ce qui est caractéristique du travail présenté ici, c’est la multiplicité des impressions suggérées. L’œuvre se vit ; son côté troublant, étrange, voire dérangeant parfois laisse place à une grande liberté d’appréhension, de compréhension ; ce qui amène souvent le visiteur à aller au-delà des apparences, et ainsi à s’interroger sur ses propres représentations.

Il est ainsi question d’un regard particulier sur le monde que l’artiste transcrit avec son propre mode d’expression. Il ne s’arrête pas à un propos uniquement plastique ou seulement philosophique. L’œuvre n’est pas au service d’un ou de plusieurs messages ; elle forme un tout. Nul besoin de l’utiliser comme vitrine, étendard ou bannière. Son discours n’est pas moralisateur : il est sens, il est réflexion.

C’est ce qui fait la force de ce travail, mais aussi toute sa complexité. A bien observer l’évolution des arts plastiques et les chemins quelquefois empruntés dans l’art contemporain de nos jours, il est intéressant de souligner le caractère sincère, sans complaisance, de ce travail qui n’a pas l’idée de révolutionner quelque chose, mais qui est là, libre. Le questionnement est quotidien, incessant. Le recul, le vécu et finalement ce regard spécifique sur la vie n’en est que plus subtil.

Plus précisément, en pénétrant certaines installations, on constate que le choix de la mise en espace est significatif, voire primordial ; l’expérience vécue en est d’autant plus marquante. La mise en scène - on peut même aller jusqu’à parler de théâtralité - nous donne l’impression que quelque chose est en train de se jouer sous nos yeux. La nature prend quasiment forme humaine, et inversement.

La matière n’est pas distincte de l’idée. Elle n’est pas non plus un moyen de dire, de suggérer ou de dénoncer. Elle s’insinue, elle touche de façon quasi-sensorielle le visiteur. Certaines associations de matériaux deviennent même parfois troublantes.  De même, la couleur mélange ces impressions : elle est aussi un liant.

Plus qu’un simple témoin, l’observateur est précipité dans cet univers où il est amené à intérioriser, à « digérer » certaines composantes telles que les textes ou encore le son. Toutefois, on ne peut pas considérer ces derniers comme de simples détails de l’œuvre. Le son, par exemple, est devenu un élément vital, et ce tout au long du cheminement de l’artiste qui joue désormais avec les images sonores. Ainsi, on pourra parler ici de paysages sonores, et là d’hommage à la musique. Résonne alors cette réflexion : « Les couleurs et les sons ne seraient utiles si tout pouvait être dit avec les mots »*.

 
*Robert Breitwieser
Retour à la page : Textes des catalogues