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Site et traces 2

Joël Picq

plasticien

 

S' appuyant sur le passé lointain qu'évoquent les dolmens, cette épaisse profondeur minérale, Bruno Breitwieser a choisi de travailler en opposition dans le sens d'une "installation, intervention".

Il a utilisé différents matériaux industrialisés, manufacturés, se présentant sous forme de panneaux d'une faible épaisseur, (positionné horizontalement) suscitant un envol avec la légèreté du mètre, une oscillation de la ligne/surface, représentant une épure dans l'espace, suggérant une ébauche de la création.

Les dolmens représentent un volume, une masse, une inertie.

A l'opposé, l'installation se déploie dans l'espace sous forme de panneaux/écrans, ceux-ci sont décollés du sol et reposent sur des piquets, points contact, rappelant la table, à la manière de "chassis solaires", nous renvoyant à leur matérialité, mais aussi la proposition d'un cheminement.

Dans un geste "minimal", par rapport au point d'appui, certains panneaux tel que ceux de métal ou de bois, nous renvoient à leur caractéristique physique, car nous pouvons observer une légère ondulation sur l'ensemble de chaque surface.

Sans avoir une attitude aussi physique sur ces matériaux, à la façon de Richard Serra dans ses actions de rouler le métal, ou encore face à l'approche de Robert Morris utilisant le feutre industriel pour certaines de ses pièces, où le geste est très suggestif, découlant d'une attitude empreinte d'un maniérisme et donc d'un sens esthétique prégnant, Bruno Breitwieser dans son installation nous propose une légère déformation/ondulation de certains matériaux, ceci étant une conséquence directe de l'état de sol, reprenant ainsi les courbes en creux ou en bosse du relief de celui-ci.

En dernier lieu, par le déploiement dans l'espace de l'installation, et l'attitude développée en dernière phase, à savoir le geste de l'archéologue, Bruno Breitwieser nous documente de façon transparente sur l'histoire de sa réalisation en incluant dans le musée des morceaux de chaque matériau, dans le sens de : collecter, décrire, archiver, devenant matière muséale.

Dans le geste de Bruno Breitwieser le temps se raccourcit, (temps d'existence d'une installation) du moment présent, et un phénomène d'inversion se produit, nous mettant en position de recherche d'un autre centre, générant un mouvement, une projection dans le futur. Il révèle un raccourcissement d'un bond et nous propulse d'une extrème vitesse la vision.

Fixer à jamais dans le futur une mémoire qui s'inscrit à rebours dans l'horizon renversé de l'histoire de l'art. Ce travail nous fait percevoir l'extrème élasticité du temps, qui peut s'étirer à l'infini (dolmens), et à l'opposé, se raccourcir, se mettre en état de compression, pour à nouveau se redéployer, nous mettant en présence d'un battement.

Dans le processus, nous retrouvons la fluidité du battement, et ce qui fait signe n'est pas une présence/absence, mais plutôt l'intervalle que ménage le battement.

 
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