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Voir / Se voir

 

Elodie Enard

 

En investissant la chapelle Saint-Quirin, Bruno Breitwieser nous entraîne dans une réflexion sur le thème du corps. Il s'agit de trois installations pour lesquelles l'artiste a utilisé principalement le support photographique, orchestrant l'image, la lumière et le son dans une mise en espace qui nous ouvre une voie poétique sur la question de notre rapport au corps, que ce soit d'un point de vue esthétique, sociologique ou encore philosophique.

Constat fait que le corps est le siège d'émotions, de sensations ou d'états d'âmes qu'il communique à son environnement et qu'il perçoit aussi inversement. Certains prêtent au corps une dimension quasi "sanctuariale", allant jusqu'à souhaiter en voiler l'apparence définitivement, d'autres encore ignorent l'influence de l'esprit sur le corps et donc également sur autrui ou, du moins, ils peuvent en négliger certains aspects.

Ainsi, dans "Sans dessous dessus", nous sommes face à des corps étalés, des enveloppes déposées au sol et sur lesquelles des images de corps morcelés s'entremêlent : évocation métaphorique de l'adage "être bien dans sa peau" ou encore "faire peau neuve". Les corps sont mis à nu, ils ne sont plus dissimulés et témoignent ainsi d'un vécu, d'une histoire.

L'installation "le baiser", quant à elle, lance une invitation à se retrouver. En effet, dans la mise en mouvement et en lumière, il n'est pas seulement question d'amour de soi, mais bien plus profondément et sincèrement de quête de soi. Cette suggestion plastique du baiser peut nous évoquer le symbole de l'amour partagé entre deux êtres qui tentent de faire corps. Mais elle peut également nous plonger dans un autre questionnement : la bouche, en permanence dévoilée, est pourtant à l'origine de fantasmes, de désirs ou même d'érotisme...

Enfin, "Regard même regard" nous oriente en quelque sorte vers une réponse : cette installation illustre cette "mise à nu" des êtres qui leur échappe parfois. Car au-delà de la faculté de percevoir, le regard parle et transmet. Ici, des portraits focalisés sur le regard sont disposés au sol et dédoublés, comme dans un face-à-face avec soi-même dans un miroir...transparant. Cette mise en espace déclenche une foule de sensations intimes, nourrissant un lien particulier entre le spectateur et l'oeuvre. Parmi ces portraits, sont intercalés un portrait d'une personne non voyante et celui d'une personne malvoyante. Une réflexion sur le texte de Saint-Exupéry : "On ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible pour les yeux".

"Voir/Se voir", qu'importe finalement le chemin pour y parvenir et le point de vue adopté : de la simple revue de surface à l'auscultation existentielle, l'oeuvre peut se voir comme une illustration de cette pensée : "Notre corps, l'environnement le plus près de nous, mais si difficile à posséder, à explorer, à aimer..." (P. Villeneuve).

 
 
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