"Comme une apparition..."

Comme une image impalpable, irrationnelle et fugitive, le visage se pose là, telle une rencontre hasardeuse insoumise aux lois de la pesanteur. Le regard est contemplatif, ailleurs, appartenant à une autre sphère. Attiré par une sorte d'irrationalité, il quitte ce monde et perd pied avec la réalité. Plus aucun lien ne retient l'image à celle-ci, sinon le fil invisible qui, autrefois apparent, les unissait dans le passé, quand on représentait, sur les murs des églises, des personnages en pied appartenant à la fois au monde terrestre par leur corps et au monde céleste par le visage pris dans l'arc de cercle de l'arcade, symbole de spiritualité et d'élévation spirituelle. Ici, l'artiste ne retient que le visage extatique, comme transporté hors du monde. Plus aucun signe ne vient suggérer le caractère sain du personnage sinon l'expression du visage et cette distance prise avec la terre ferme. La notion d'élévation est remplacée par l'aspect statique de la chose vue, flottant dans l'espace. L'artiste retient là, l'instantanéité d'une vision dans un rapport intime de l'image à l'espace, où le vide et l'absence prennent corps à leur tour pour se substituer à ce qui n'est plus mais que l'imaginaire entend.

Se manifestant subitement au visiteur qui ne s'y attend pas, c'est moins l'image qui surgit comme une apparition mais plutôt l'insaisissable rapport qu'il y a entre le visible et l'apparent.